Chroniques

Darkest Hour
En marche !


Par Hubert Charrier 2/01/2018

Fréquente mais pas automatique, la collaboration entre Joe Wright et le compositeur Dario Marianelli a offert une poignée de scores fabuleux (Pride and Prejudice, Atonement, Anna Karenina). Assez, en tout cas, pour faire germer chez beaucoup une attente non feinte à chaque nouveau projet. Avec Darkest Hour, le tandem s’attarde cette-fois sur les premiers jours décisifs du tempétueux Churchill au 10 Downing Street, des prémices de la bataille de France à l’évacuation de Dunkerque. De cette bête politique passionnante, campée avec talent par Gary Oldman, ne pouvait naître qu’un score débordant et endiablé.

En perpétuel mouvement, le vieux lion est un choix de premier ordre pour dynamiser la forme parfois ronflante du biopic. Joe Wright l’a parfaitement saisi et rythme son film sur les pas du personnage, exploitant à merveille cette hyperactivité et ce foisonnement intellectuel. On ne discute plus, on vocifère, on ne mange pas, on dévore et pas de thé au p’tit-déj, ici la bistouille règne. Et si ce quotidien semble si fiévreux et dense c’est aussi grâce la baguette énergique de Dario Marianelli, épousant à merveille ce destin en marche, ces quelques jours décisifs où se jouent la vie d’un homme, d’un peuple et le cours d’une guerre.

In Piano Veritas

Tout est parti d’une photo. Avant de tourner Darkest Hour, Joe Wright présente à Dario Marianelli un cliché de Churchill, cigare au bec, avançant d’un pas alerte et conquérant. Assez pour dépeindre l’homme. Pourtant, sur l’image, en noir et blanc, c’est Gary Oldman, un “test shot” après maquillage. La ressemblance frappante et la pose déjà travaillée de l’acteur suffit à saisir l’impulsion que souhaite donner Wright à son film. Un flot ininterrompu et bien souvent agité, un mouvement vital qui porte cette figure d’une idée à l’autre, musicalement retranscrit par le piano et la virtuosité du jeune islandais Vikingur Olafsson.

C’est lui qui ouvre d’ailleurs le score dans un prélude dénudé où la tempête s’annonce. Une piste suffit pour rentrer dans le vif de l’action et Where is Winston ? souffle déjà tout sur son passage, vigoureuse marche où se distingue les cuivres, imposant la stature du personnage. Darkest Hour fonctionne à la cadence et The War Rooms bouillonne d’un même jus, éclairé par les rayons d’une flûte et les octaves hautes du clavier. À l’abondance des idées, Marianelli offre une générosité thématique et stylistique. Winston and George souligne avec délice un souverain secoué face à la franchise et la rudesse de son premier ministre sans jamais saborder la délicatesse inhérente à l’étiquette, un plaisir.

Évitant soigneusement de perdre le fil, l’album regorge de petits trésors et le compositeur n’hésite jamais à calmer le jeu au besoin, se reposant sur la harpe dans le très joli First Speech to the Commons pour laisser place au verbe, forcément de premier importance. We Shall Fight, point final du voyage est une apothéose et un résumé brillant de cette bande originale, la parole et l’action. Darkest Hour s’impose comme la plus belle réussite de ces dernières semaines et ouvre l’année 2018 de la meilleure des manières. Dario Marianelli, en pleine maîtrise de son talent, enflamme comme toujours l’excellente mise en scène de Joe Wright. Immanquable. 

Darkest Hour, bande originale de Dario Marianelli, à retrouver chez Universal Music.