Chroniques

Les Frères Sisters
À l’Ouest, rien de nouveau ?


Par Hubert Charrier 16/04/2024

L’un est bourru, soupe au lait, le coup de botte facile. L’autre ne démérite pas, carabine en main, mais préfère s’initier secrètement aux charmes de la civilisation, contant fleurette à une fille de joie ou découvrant avec jubilation les plaisirs de l’hygiène bucco-dentaire. Le western version Audiard se nomme Les frères Sisters et marque le retour d’Alexandre Desplat aux affaires, un an après la parenthèse Dheepan.

Bien qu’il s’en défende quelque peu, Les frères Sisters reste un long-métrage à part dans la filmographie de Jacques Audiard. Outre le casting international où se croise John C. Reilly, Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal et Riz Ahmed, il y a surtout un genre jusque-là inexploré, le western, étape rarement anodine dans la carrière d’un cinéaste. Pour Alexandre Desplat, l’expérience s’annonce tout aussi inédite. Première décision, fuir les références. Ni la richesse orchestrale des grands classiques, ni les codes Morriconiens, il s’agit de passer entre les gouttes admet franchement le compositeur, dans les colonnes d’Underscores.

Entre deux mondes

Pas un score de western, plus un score de polar, les deux frères, toujours en mouvement ou presque, insufflent au thème principal,The Sisters Brothers, ce rythme, une chevauchée martelée au piano par six notes. To Jacksonville, To San Francisco, To Mayfield, trois morceaux qui prolongent cette même idée, à l’aide de percussions ou de coups d’archet, staccato, au violon électrique. Intimiste, on retrouve comme souvent chez Audiard, des personnages à la psychologie complexe, en proie à une lutte intestine. Ici, la brutalité et la bêtise de l’homme s’adoucissent face aux promesses rayonnantes de la civilisation ou la douceur de l’instant. Une dichotomie appuyée par la seule présence d’une contrebasse et d’un piano (The Toothbrush) ou la simplicité d’une guitare (Folsom Lake).

Au delà de cette épuration, Les frères Sisters détonne aussi dans sa diversité. Homogène, le score ne s’interdit pas des écarts, flirtant parfois même avec la science-fiction. Dans l’incroyable scène où, grâce au procédé chimique, l’or devient luminescent au fond du lac, on se surprend à retrouver quelques reflets de Valerian et la Cité des milles planètes. La musique apporte une contribution précieuse dans le caractère extraordinaire, magique, de l’invention de Karm (Riz Ahmed).

Alors que l’horreur côtoie de près le bonheur, notamment lors d’une scène de chirurgie particulièrement lourde, le film se clôt dans un apaisement presque surnaturel, nourri très largement par le morceau At Home with Mum, retour aux sources régénérant pour le duo Charlie et Elie. Les frères Sisters apporte un éclairage tout à fait personnel au genre, une nouvelle pierre dans cette longue et riche collaboration Desplat/Audiard, qui, au fil des décennies, ne cesse d’étonner par sa synergie.

Les frères Sisters, bande originale d’Alexandre Desplat, à retrouver en physique chez Quartet