Chroniques

Ready Player One
Werther’s Original


Par Hubert Charrier 23/05/2018

Si la pop culture ne constitue pas l’unique socle de Ready Player One, l’univers fortement référencé de l’Oasis offre une porte d’entrée idoine pour tout compositeur emblématique des années 80, qui plus est estampillé Amblin. Avec la disparition d’Horner et l’absence de Williams, accaparé par The Post, Alan Silvestri semble donc un choix logique pour l’ambitieux projet de Steven Spielberg. Une occasion de relancer une machine grippée et de renouer avec un style coloré et énergique, trop souvent délaissé ces dernières années.

Depuis Le Drôle de Noël de Scrooge, il y a bientôt 10 ans, Alan Silvestri n’a piqué notre intérêt qu’en de rares occasions. Pour être honnête, on frôlait plutôt largement l’ennui, à l’image du soporifique Alliés. Les plus intéressantes tentatives restaient pourtant à chercher du côté de Zemeckis (The Walk), mais même chez le compère de toujours, le feu autrefois ardent laissait place à de bien timides braises. Pour ranimer le patient comateux, le Dr. Spielberg a tout du profil idéal tant Ready Player One s’annonce comme une ode à la jeunesse, à l’aventure et à l’imaginaire. En somme, le sel d’un bon Silvestri.

Ce bon vieux Silvestri

C’est dans la contemplation et l’exotisme que s’ouvre l’album. Avec ses chants mystiques et ses percussions aux ralentis, The Oasis envoute en se nourrissant d’une tradition presque vidéoludique, on pense notamment au Baba Yetu de Civilization IV. Une introduction cohérente et propre à désarçonner les fidèles du compositeur. La fin cuivrée, annonçant déjà les contours du thème principal, ne berne pourtant pas l’apôtre. « Hello, I’m James Halliday » prolonge ironiquement le suspense, en citant à point la célèbre toccata pour orgue de Jean-Sébastien Bach, avant de glisser habilement en terra cognita.

Nous souhaitions une réminiscence des plus belles heures de Silvestri ? Croyez bien que nous allons être servis. Why can’t we go backwards ? accompagne à merveille la résolution de l’une des scènes les plus remarquables de ce Ready Player One, la course automobile. Après un lancement tout en douceur, le musicien chauffe le moteur pour faire machine arrière, citant au passage astucieusement le musclé Kong de Max Steiner. Spielberg attise chez ses ouailles le goût de l’aventure et c’est avec un plaisir juvénile que nous retrouvons à belles louches les envolées d’antan, façon Werther’s original. Retour vers le futur tient naturellement une belle place, dans l’instrumentation et l’écriture d’abord (Welcome to the Rebellion, There’s Something I Need to you) et parfois dans quelques clins d’œil plus direct, comme ce Zemeckis cube amenant le fameux motif (Real Word Consequences). D’une manière générale, on retrouve ici une caractéristique forte mais impalpable du compositeur, la candeur.

Par sa musique, le californien donne une nouvelle épaisseur à ce club des cinq et aux idéaux de James Halliday. Un retour aux sources illustré par une enthousiasmante et longue conclusion, de This is Wrong au End Credits. Ce serait cruel de reprocher un certain manque d’originalité, les tentatives electro amorcées via le personnage de Nolan Sorrento n’étant pas la franche réussite du score. Silvestri s’en tient aux bonnes vielles recettes. Un Werther’s. Tant mieux. Voilà ce qu’est Ready Player One, le bon goût de notre enfance.

Ready Player One, bande originale d’Alan Silvestri, à retrouver en physique chez Decca.