Chroniques

The Old Man & The Gun
Classe américaine


Par Hubert Charrier 07/05/2019

Ultime tour de piste de Robert Redford, The Old Man & The Gun méritait un tout autre accueil. Quelques projections confidentielles et une sortie simultanée sur Amazon Prime, le film de David Lowery n’aura chez nous, jamais eu sa chance. L’exposition toute relative de l’acteur, en février dernier, suite au César d’honneur, ne suffisait visiblement pas à franchir le Rubicon.

Dommage, malgré quelques faiblesses, le doux parfum qui exhale de l’ensemble suffit largement à rafler la mise. Face à Clint et sa Mule, le combat aurait eu fière allure. Certes, The Old Man & The Gun doit beaucoup à l’élégante prestation de Redford, impeccable en braqueur incorrigible mais, finalement, à travers l’acteur, c’est aussi à toute une filmographie que Lowery rend hommage. L’Arnaque, Butch Cassidy et le Kid, Gatsby, bien sûr, l’apparente décontraction de notre octogénaire ravive un imaginaire, quelques pièces maitresses du Nouvel Hollywood. Le film nous embarque donc avec complaisance, rythmé par la partition suave de Daniel Hart.

À pas feutrés

En s’orientant vers un jazz chaleureux et balancé, parfois funky, le compositeur s’inscrit dans une époque mais aussi un héritage, celui de Dave Grusin, Nelson Riddle, Burt Bacharach ou Marvin Hamlisch. Des compositeurs qui, par leur musique, marquèrent d’un fer rouge les plus grands rôles de l’acteur. Saxo, piano, contrebasse, guitare et batterie, écho de cette petite bande, c’est en effectif réduit qu’opère The Old Man & The Gun. Les trois morceaux ouvrant l’album (Theme, The Dinner Part 1 et The Dinner Part 2) donnent d’emblée le ton général et les grandes thématiques. De l’action, de la romance et le charisme de Redford, élément à part entière du film.

Les mélodies introduites, Daniel Hart s’illustre en apportant à sa composition une versatilité étonnante. Parfois très enlevé (Three Day Bank, You’re Doing a Great Job, The Over The Hill Gang), épousant parfaitement l’aspect braquage, l’album contrebalance avec des pistes beaucoup plus tendres (John and Maureen, Jewels for Jewel, The Gun and The Kiss), déclinant sans lasser les quelques thèmes, variant les curseurs, exploitant les possibilités rythmiques et instrumentales. Dans l’exercice, Rub A Dub Dub et ses accents tango reste l’un des grands plaisirs de l’écoute.

Un brin nostalgique sans être non plus passéiste, l’Américain apporte des sonorités plus actuelles, nappant quelques scènes d’un ton plus grave (Two Different Things, Officialy Retired). Pourtant, à l’image de cette conclusion Samuel Anselm, la nature désinvolte de notre dandy finit irrémédiablement par prendre le dessus, le plaisir et l’instinct brisant la contrainte. Daniel Hart a tout compris, braqueur de banques, braqueur de cœurs, à 82 ans, on ne se refait pas!

The Old Man & The Gun, bande originale de Daniel Hart, à retrouver en physique, chez Varèse Sarabande.